Souplesse commerciale ou délit ? Le tribunal correctionnel de Bruxelles devient plus rigoureux.

Le 9 mai 2018, le tribunal correctionnel (francophone) de Bruxelles a condamné une société de location de véhicules de luxe et son gérant (notamment) pour blanchiment (conformément à la législation répressive la plus sévère en la matière). La société a été condamnée à une amende de 90.000 EUR (dont la moitié avec sursis). Le gérant a été condamné à une peine d’emprisonnement de 10 mois et une amende de 6.000 EUR; toutes deux avec sursis.

De plus, le tribunal a confisqué 11.000 EUR de chiffre d’affaires illégal.

Ce jugement est pertinent pour tous ceux qui ont des activités en vente/location de véhicules de luxe mais aussi pour des bijoutiers, des marchands d’art, certains agents immobiliers… En d’autres termes, toutes personnes qui ont des activités commerciales dans un marché quelque peu « exclusif ». En effet, ces produits sont populaires auprès des personnes qui ont des difficultés à ‘écouler’ leur argent obtenu de manière illégale (et qui n’est – souvent –pas déclaré). Ces personnes dépensent souvent ces sommes d’argent en achetant des produits de luxe.

Le tribunal a condamné la société et son gérant pour avoir accepté régulièrement des sommes considérables en espèces et pour ne pas avoir effectué quelque contrôle que ce soit par rapport à la situation financière de leur clientèle et l’origine des sommes, alors qu’il s’agit d’exigences essentielles de la législation préventive contre le blanchiment, applicable à la société en question. Il précise qu’une telle vérification aurait permis à la société et son gérant de faire une estimation judicieuse par rapport au délit de blanchiment (cfr. législation répressive) et -de ce fait- vérifier si, dans certains cas, l’origine illégale des sommes pouvait être exclue, d’autant plus que le gérant connaissait les problèmes judiciaires de certains clients. Le tribunal voit ce dernier point comme une preuve additionnelle du fait que la société et son gérant étaient au courant de l’origine illégale des sommes.

Enfin, le tribunal fait remarquer que la société -en tant que société de leasing- aurait dû agir préventivement contre le blanchiment.

L’importance de ce jugement est donc double :

  • il est reproché au gérant d’avoir ignoré les problèmes judiciaires de certains clients : même si tout le monde doit bénéficier d’une présomption d’innocence, le gérant aurait dû rompre les relations commerciales avec certains clients;
  • il est reproché à la société de ne pas s’être organisée adéquatement en matière de prévention de blanchiment, alors que la législation lui impose d’être vigilante sur ce point.

Le tribunal correctionnel a dès lors condamné le gérant et la société pour avoir été trop laxiste en matière de prévention contre le blanchiment.

Les entreprises et leurs dirigeants qui sont soumis à la loi préventive contre le blanchiment doivent donc appliquer les consignes qui leur sont d’application. D’autant plus que la loi du 18 septembre 2017 a considérablement étendu les règles et les a, sur certains points, sévérisés.

Le jugement est définitif, les deux parties n’ayant pas fait appel.

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