La responsabilité pénale de la personne morale – La règlementation en matière de mandataire ad hoc sous l’article 2bis TPCPP doit-elle être modifiée radicalement suite à l’annulation de la règle de décumul sous l’ancien article 5, al. 2 CP

Cela fait, en cette année 2019, exactement vingt ans que la personne morale peut être tenue pénalement responsable.  L’introduction de la responsabilité pénale pour les personnes morales fut cependant houleuse.  L’ancien article 5, al. 2 CP, réglait de manière inutilement compliquée le concours entre la responsabilité pénale de la personne morale et celle de la personne physique.  La soi-disant ‘règle de décumul’, d’ailleurs unique en son genre au niveau international, causait plus de problèmes qu’elle n’apportait de solutions. Cette règlementation fut annulée récemment par la loi du 11 juillet 2018 ; du moins pour les faits commis après le 30 juillet 2018.  Pour ces faits, la règle ‘générale’ s’applique dorénavant dès lors que les personnes morales et physiques peuvent toutes les deux être condamnées si le fait leur est reprochable, indépendamment du fait que les faits soient commis délibérément ou par négligence et ce, indépendamment du « poids » de leurs fautes respectives.

Une des questions qui se pose lors d’une telle annulation de la ‘règle de décumul’ concerne l’article 2bis, TPCPP.  Cet article règle la situation de la désignation (d’office ou par requête) d’un mandataire ad hoc (ci-après ‘MAH’) comme représentant de la personne morale, quand cette dernière est poursuivie pour les même faits ou pour des faits connexes que son représentant ‘normal’ légal.  La ratio legis de ce règlement réside dans le but d’éviter des conflits d’intérêts entre la personne morale et la personne physique qui la représente normalement en droit.

Par la disparition graduelle (pas pour des faits commis avant le 30 juillet 2018) de l’application de la règle compliquée de ‘décumul’, une source importante de conflits d’intérêts potentiels disparaitra en pratique.  Ceci aura indiscutablement un impact sur la nécessité de désigner un ‘MAH’.

Cependant, cette diminution attendue des cas possibles lors desquels l’article 2bis TPCPP pourrait être appliqué, ne mène selon moi pas automatiquement à la conclusion que la règlementation du MAH doit être modifiée radicalement.  Même sans la règle de décumul, le MAH pourra jouer et jouera un rôle important.  Afin de remplir ce rôle de manière significative, quelques adaptations à la règlementation du MAH telle que reprise à l’article 2bis TPCPP sont plus que souhaitables, la règlementation actuelle étant inadaptée aux besoins réels de la pratique.  Pour cette modification nécessaire, une source d’inspiration est disponible au-delà de la frontière et un projet de loi quelque peu plus ancien, laissant une marge de manœuvre maximale à la personne morale pour régler sa défense comme bon lui semble.  Le  juge n’intervient qu’en cas d’abus menant à la situation dans laquelle la personne morale n’aurait pas de défense.  Et la règlementation doit être conçue de telle façon qu’elle puisse solutionner des conflits d’intérêts le plus en amont que possible.

Il est dès lors grand temps de poursuivre les réformes dans le domaine de la responsabilité pénale de manière plus avancée et conséquente…

© Patrick Waeterinckx

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