Selon la Cour de Cassation le droit de défense et l’égalité d’armes n’exigent pas nécessaire-ment que le contribuable ait accès à toutes les pièces du dossier répressif.

Lors d’une injonction pour revendiquer la TVA et une amende basés sur des pièces faisant partie d’un dossier répressif, le droit de la défense et l’égalité d’armes n’exigent pas nécessairement que le contribuable ait accès à toutes les pièces du dossier répressif – Cass. C.17.0561.N du 25 septembre 2020;

Cet arrêt récent concerne le droit en cassation d’une SRL contribuable à la TVA contre un arrêt de la cour d’appel d’Anvers du 9 mai 2017.

Ce contribuable, demanderesse en cassation (appelée ci-après demanderesse), a introduit un moyen contre l’arrêt susmentionné introduisant la  violation du principe juridique général en matière du respect du droit de la défense et de l’article 6  CEDH.

L’origine du problème résidait dans le fait que le procureur général d’Anvers avait fourni à l’ISI  accès et copie du dossier répressif de la demanderesse.   Cet accès a donné cause à un contrôle de la TVA qui a abouti en en procès-verbal.  En effet, certaines pièces du dossier répressif auraient démontré que la demanderesse aurait pratiqué par facturation l’exonération pour livraisons intracommunautaires tandis qu’elle n’était pas en mesure de prouver ces livraisons.  Dès lors, une contrainte fut proclamée contre la demanderesse reprenant la TVA due et l’amende habituelle de 200%.

La demanderesse a fait opposition contre cette injonction, mais le tribunal de première instance a déclaré que son action était non-fondée.  Hormis une seule transformation, la cour d’appel a confirmé ce jugement le 9 mai 2017.

La demanderesse était d’avis que la cour d’appel avait violer ses droits de défense parce que sa condamnation était basée sur des constats d’un procès-verbal dans lequel l’ISI aurait exclusivement obtenu les preuves à partir d’un dossier répressif.  La demanderesse avait vraisemblablement également reçu accès aux pièces du dossier fiscal, mais avait dû constater à cette occasion que certaines pièces avaient été rendu ‘blanc’.  Le fait que la demanderesse n’avait pas reçu plein accès à ce dossier répressif et que le juge n’avait pas pu effectuer de contrôle par rapport à la fiabilité et l’exhaustivité constituait pour elle la fondation pour sa critique contre l’arrêt de la cour d’appel.

Dans son analyse du moyen de cassation susmentionné, la Cour de Cassation reprend tout d’abord quelques principes généraux.

  • Si la procédure fiscale donne lieu, ou peut donner lieu, à une amende administrative ou un accroissement d’impôt avec le caractère d’une peine telle que visée à l’article 6 du CEDH, les garanties reprises dans la procédure doivent être assurées dès l’instant que le contribuable fait l’objet d’une poursuite;
  • Vu l’égalité d’armes et le principe juridique général en matière de respect de la défense, le contribuable doit en principe avoir accès à toutes les données du dossier fiscal de l’administration, y compris les pièces que l’administration a obtenus par un accès valide au dossier répressif.

Selon la Cour de Cassation les principes susmentionnés n’empêchent pas que l’administration puisse refuser de donner accès aux pièces ou à des parties de celles-ci qui n’ont pas de lien avec la poursuite fiscale.  Il appartient au contribuable dans ce cas de réagir contre ce refus auprès du juge en rendant plausible qu’un tel exercice de ses droits de défense et l’égalité d’armes requièrent bel et bien un accès à de telles pièces.  Il appartient alors au juge d’en juger.  La Cour de Cassation souligne qu’un tel jugement n’exige pas que le juge prenne connaissance de l’intégralité du dossier répressif.   Il appartient au juge de la procédure fiscale de juger si un refus d’accès ou d’accès partiel au dossier répressif constitue une méconnaissance des droits du contribuable et d’y donner la suite adéquate le cas échéant

Ensuite la Cour de Cassation juge les éléments de fait sélectionnés par la cour d’appel pour conclure que les droits de la demanderesse ont été respectés.  D’une manière générale, ces éléments amenaient à la conclusion que le jugement de la cour d’appel se basait exclusivement sur des pièces qui ont fait l’objet d’un débat contradictoire, tandis que la demanderesse avait insuffisamment rendu plausible la pertinence des pièces rendues ‘blanc’, ou d’autres pièces à extraire éventuellement du dossier répressif.

Afin d’éviter de telles discussions le contribuable aurait pu lui-même demandé accès et copie du dossier sous l’application de l’article 21bis of 61ter du Code d’instruction criminelle.  Si la demanderesse n’avait pas pu prendre connaissance des pièces du dossier répressif, alors elle aurait peut-être pu faire valoir que la procédure dans ce cas aurait dû prévoir des garanties pour parer à a difficulté qu’elle ne pouvait pas prendre connaissance de toutes les preuves.  Dans ce cas précis, elle en avait bel et bien eu la possibilité et de plus elle aurait pu contester les pièces soumises au juge fiscal.

Néanmoins, le droit d’objection ne peut de facto pas être limité à la seule possibilité d’exercer une objection concernant ce que la partie poursuivante pense devoir sélectionner, même si ce dernier agit loyalement en ce faisant.  En d’autres termes, un justiciable doit en tous les cas pouvoir disposer de possibilité réelles afin de définir si un élément de preuve précis est, ou n’est pas, pertinent pour la défense.

Il est probable que la discussion qui fut l’objet de l’arrêt commenté n’apparaitra pas dans l’application de l’article 4bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale.   Car en effet, si le fisc intervient devant le juge pénal pour paiement des impôts et accessoires, le dossier répressif intégral fait partie du débat.

© Patrick Waeterinckx

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